La Sophrologie Science médicale de la conscience
Professeur Alfonso Caycedo
Cet article nous offre la première partie de l’intervention du Professeur Alfonso Caycedo au Collège Officiel des Médecins de Barcelone, le douze décembre 2009.
Dans cette conférence, le Dr. Caycedo relate sa propre historicité en tant que fondateur de la Sophrologie dans le Département de Psychiatrie de l’Hôpital Provincial de Madrid. Il s’agit d’un document unique et de grande valeur pour la Sophrologie.
J’ai eu l’idée de créer un mouvement scientifique qui apporterait des réponses à la Médecine.
Tout d’abord, je tiens à remercier profondément la présence parmi nous du Professeur Juan Jose López-Ibor Aliño, qui, parmi ses principales activités, en plus d’être Président de l’Association Mondiale de Psychiatrie, est aussi Professeur à la Chaire de Psychiatrie de l’Université de Madrid. C’est un homme intègre à tout point de vue, fidèle à la science qu’il a héritée de son père et qu’il a transmise à tant d’élèves à Madrid. Comme il vient de le dire, je l’ai connu lorsqu’il était jeune garçon et que j’étais à l’époque collaborateur de son père.
Je souhaite aussi remercier la présence du Professeur Carlos Ballús qui, outre avoir occupé le poste de Président de l’Association Européenne de Psychiatrie, a représenté dignement la psychiatrie catalane pendant de nombreuses années, en tant que Professeur à la Chaire de Psychiatrie de la Faculté de Médecine, ainsi que dans le Service de Psychiatrie de l’Hôpital Clinique. Je lui dois d’importants moments qui ont marqué notre amitié, ainsi que l’affection que je ressens pour la Catalogne et pour Barcelone.
Sa présence parmi nous ainsi que celle du Professeur López Ibor représentent pour moi, psychiatre classique, un profond symbole d’amitié. Je dois dire que si je continue à être psychiatre, malgré tout, c’est parce que j’ai ouvert les portes du monde qu’ils représentent si dignement à l’heure actuelle.
La présence, je le réitère, de ces deux maîtres de la psychiatrie, est très importante à mes yeux ; elle me permet de me remémorer certains moments que nous avons partagés, tels que l’hypnose que le Professeur Juan José vient d’évoquer et à laquelle il assista lors d’une de mes expériences à la chaire de psychiatrie de Madrid.
Je souhaite aussi remercier Madame Magda Mata Font pour sa présence ici, elle qui représente à la fois une Andorre jeune et pleine de valeurs, et la psychologie européenne; elle s’est intéressée aux techniques sophrologiques à Toulouse, où elle s’est formée. Ensuite, en Andorre, elle a continué à les pratiquer, et maintenant, en tant que membre de l’équipe de Gouvernement, elle continue dignement à les diffuser.
Tout ce qui a été dit ici est admirable. Ce qui me touche le plus, c’est la présence, le témoignage, comme disent Natalia et Koen ; tout ce que vous êtes en train de faire est de la phénoménologie pure. Même ceux qui parlent de statistiques font de la phénoménologie et pourtant, la phénoménologie n’aime pas les statistiques. Ces dernières ont une double valeur pour la phénoménologie : en premier lieu, la valeur de leur signification-même ; ensuite, et de loin la plus importante, la valeur du thérapeute qui a analysé ces statistiques.
Comment suis-je arrivé à la phénoménologie ?
La première fois que j’ai entendu parler de phénoménologie, ce fut par le père du Professeur Juan José, ici présent. C’était dans le Service de Psychiatrie de l’Hôpital Provincial de Madrid, actuellement Musée Reine Sofia, où j’ai créé la Sophrologie.
Il nous parlait de « la dimension allemande », si chère à de nombreux psychiatres espagnols, et tout spécialement au Professeur López Ibor, et certainement à ses enfants ; parmi eux, le Professeur Juan José. La psychiatrie allemande a été très importante dans l’histoire de la médecine.
Le terme phénoménologie jetait une lumière sur ce que j’étais en train de vivre: le Professeur Juan José, alors étudiant en psychologie, en première et deuxième années de médecine, entrait imprégné de l’odeur des cadavres ; moi aussi, je me suis imprégné de cette odeur dans cette même Faculté quelques années auparavant ; nous avons pratiqué la dissection deux heures par jour pendant deux ans. J’ignore si cela est encore le cas actuellement.
Pourquoi ai-je créé la Sophrologie?
Je vais vous expliquer les raisons pour lesquelles j’ai créé la Sophrologie et pourquoi j’y ai été amené. C’est très simple:
Lorsque je suis entré comme élève interne à l’Hôpital Provincial, j’eus la chance d’être accepté par le Professeur López Ibor, qui était déjà célèbre ; je suis entré en tant qu’Interne dans son Service. Selon la tradition en ce qui concerne les internes, je me suis vu obligé de m’occuper des tâches les moins agréables à l’hôpital, les moins gratifiantes : les électrochocs et les comas insuliniques. Cela était fondamentalement le travail que je devais assumer dans ce service.
C’était l’époque de l’après-guerre en Espagne; les électrochocs étaient très pénibles et je devais en faire tous les jours; j’aidais aussi à provoquer les comas insuliniques. En tant que jeune médecin récemment diplômé, je m’interrogeais sur le fondement de tout cela dans le traitement des malades mentaux. Entre autres choses, nous faisions également des cures de sommeil. J’ignore si les cures de sommeil se pratiquent encore actuellement. Il y avait des salles, que nous appelions « Salles de Morphée », dans lesquelles tout le monde dormait. Car en Psychiatrie, étant donné le peu de pharmacologie qui existait à l’époque, on utilisait uniquement certains barbituriques.
Pourquoi la thérapie cherchait-elle à mobiliser la conscience ?
J’appliquais un électrochoc le matin et très souvent, il n’y avait pas d’appareil, car il était endommagé ; nous devions alors faire l’électrochoc sans appareil et administrer le courant directement. Nous cherchions à provoquer la convulsion, ce que j’appellerais un coma cinétique: la personne perdait conscience et commençait à avoir des convulsions, ce qui en principe devait la libérer; heureusement, cette thérapie si agressive avait souvent un résultat positif, ce qui justifiait son application.
Je me demandais aussi pourquoi nous cherchions à plonger les patients dans le coma au moyen de l’insuline.
Pourquoi agissions-nous toujours sur la conscience ?
Pourquoi la conscience devait-elle être secouée pour obtenir la guérison? Mais enfin, qu’est-ce que la conscience?
La réponse était très simple. La conscience est à la base de l’existence humaine.
Je devais donc étudier ce qu’est la conscience. Il y a une conscience philosophique et une conscience religieuse, mais c’est la conscience vitale qui devient malade.
Qu’est-ce que la conscience ?
J’ai alors eu l’idée de créer un mouvement scientifique qui apporterait des réponses à la Médecine. J’étais un médecin classique et je le suis toujours, mais j’étais frappé par le fait qu’en médecine, on n’étudiait pas la conscience. On étudiait tout, sauf la conscience. Pourquoi ? Durant mes sept années d’études de médecine à Madrid, on n’a pas consacré une seule heure à l’étude de la conscience ; par contre, deux ans étaient occupés à l’étude de l’anatomie à raison de deux heures par jour ; et pour ce faire, nous travaillions sur des cadavres. La question était intéressante.
Je me suis alors dit que la seule chose à faire était que nous, jeunes médecins, nous devions créer une Ecole qui puisse offrir l’étude de la conscience comme spécialité de la Médecine.
J’ai alors cherché à nommer cette science et j’eus recours aux racines grecques pour ce faire ; il me sembla que le nom SOPHROLOGIE était adéquat, agréable à entendre et qu’il réunissait les conditions recherchées: Sos, Phren, Logos. SOPHROLOGIE. C’était un terme opposé à la schizophrénie : schi rupture ; sos, harmonie, phren esprit. Schizophrénie. Si la maladie la plus grave en psychiatrie est la rupture de la conscience, pourquoi n’allions-nous pas créer une sophrologie, une sophrénie? C’est cette intention qui justifia son nom.
Le Professeur López Ibor a autorisé la création du service ; nous conservons encore la plaque qui y a été affichée:
« Département de Sophrologie et de Médecine Psychosomatique ». Il était nécessaire de préciser «Psychosomatique».
Avec la création à Madrid d’un nouveau département dont l’objet était de faire des recherches sur la conscience, nous nous vîmes obligés d’examiner tous les procédés susceptibles d’agir sur la conscience.
A cette époque, en médecine et pas seulement dans ce domaine, l’hypnose était en vogue. Il fallait donc étudier l’hypnose. Pour me former, je voulais remonter aux sources. Je suis allé voir le Professeur Cuvelier, de l’École de Nancy, qui dirigeait une vieille école d’hypnose médicale en France. A ses côtés, j’appris les techniques de l’hypnose. Je suis rentré dans mon service à Madrid et là, nous avons commencé à pratiquer l’hypnose.
C’est pour cette raison que j’ai l’habitude de dire que la Sophrologie a un long parcours et une longue histoire. C’est pour cette raison que ceux qui m’ont connu à cette époque, m’associent aux pratiques d’alors ; c’est pourquoi certaines personnes à Madrid, pensent encore que la Sophrologie est une déviation de l’hypnose.
À l’époque, l’hypnose a été soumise à l’étude médicale et au contrôle par l’électroencéphalogramme qui était alors la référence. Le sujet de la thèse de mon doctorat traitait de l’électroencéphalo-gramme dans les cas de modification de la conscience, du rôle de l’hypnose, de la relaxation de Schultz et des techniques que nous pratiquions alors.
Dans le Service de Psychiatrie, il y avait un groupe de médecins catalans qui avaient pratiqué l’hypnose pendant la guerre ; les techniques que j’avais créées les intéressaient. Le Professeur Sarró m’a invité quelques années plus tard à collaborer avec lui dans le Service de Neuropsychiatrie de l’Hôpital Clinique de Barcelone.
À mon retour d’Orient, nous y avons ouvert un Service de Sophrologie et de Médecine Psychosomatique, comme celui que j’avais créé à Madrid. J’assistais aux séances cliniques organisées par mes collègues du Service du Professeur Pedro Pons, et nous partagions d’importants moments, quasiment toutes les semaines. C’est là que j’eus le privilège de rencontrer le très jeune Professeur Ballús, qui travaillait dans le Service du Professeur Pedro-Pons.
Je poursuivais mon idée de la Sophrologie en tant que science médicale de la conscience.
Constatant mon intérêt pour ce sujet, le Professeur López Ibor m’a fait la proposition suivante :
– « Pourquoi n’allez-vous pas en Suisse travailler avec Binswanger, qui est un des créateurs de la Psychiatrie Phénoménologique et Existentielle ? Vous verrez le concept de conscience tous les jours dans sa clinique ». Puis il a ajouté :
– « Nous sommes de bons amis. Je vais lui écrire et je lui expliquerai votre intérêt pour le sujet. Et si vous le voulez, je lui proposerai de vous prendre comme médecin psychiatre stagiaire, afin que vous puissiez faire un séjour dans sa clinique de Kreuzlingen ».
J’étais impressionné car pour nous, le nom de Binswanger était un nom magique, un des grands mythes de la psychiatrie de notre époque. Je lui demandai alors :
– « Binswanger est encore vivant ?
– « Oui, c’est le moment d’aller le rencontrer ».
C’est ainsi que, grâce au Professeur
López Ibor, j’ai pris contact avec la phénoménologie.
En Suisse, les choses n’avaient rien à voir avec ce qui se passait dans notre service à Madrid. Dans cette clinique, l’approche du patient était totalement différente de celle que nous avions en psychiatrie classique en Europe.
Durant ce séjour, j’eus la chance de travailler en relation étroite avec le Maître et d’intégrer quelques connaissances relatives à la phénoménologie. Je pus apprendre et comprendre l’art de la phénoménologie. Car ce qui est le plus difficile, c’est de la comprendre.
Le Maître m’a accepté dans une sorte de dasein analyse de la phénoménologie. J’ai pu faire un stage didactique avec lui, sur l’analyse existentielle qu’il avait créée. C’est alors que mon thème principal a vu le jour.
Il m’a dit :
– « Vous voulez créer une science médicale de la conscience, parce que c’est votre idée obsessive, n’est-ce-pas ? ».
Je lui répondis:
– « Ce n’est pas une idée obsessive ; mais en effet, c’est ce que j’aimerais faire. La conscience mérite d’avoir une place dans les facultés de Médecine. Nous ne sommes pas des vétérinaires ».
Il me dit alors:
– « On ne peut pas, de nos jours, connaître la conscience malade sur laquelle nous travaillons à l’hôpital ».
C’était déjà un très grand pas que de se rendre compte de la richesse de la conscience ; nous n’avions pas besoin d’électrochocs ou de comas insuliniques; nous la voyions dans le contact humain. C’était la présence, LA PRESENCE.
– « Ce que vous avez vu jusqu’à présent ne vous suffit pas ; vous avez besoin de voir autre chose que la seule conscience malade, car celle-ci ne peut pas être décrite en tant que conscience. Il en est de même pour ce que vous avez vu dans les traitements par l’hypnose ».
Comment était-il possible d’approcher le monde oriental, sans le connaître et sans aimer l’Orient ?
– « Je ne suis pas orientaliste ».
– « Vous devez vous y rendre et, comme phénoménologue, vous devez rendre visite à ces orientaux, me dit-il ; parce qu’eux, ils savent. Ils connaissent la conscience mieux que nous, les psychiatres d’Occident. Ils connaissent la conscience pure, la conscience mystique. Ce sont des mystiques de la conscience. Vous rendez-vous compte ? Si j’avais votre âge, j’irais sans hésiter.
– « Si vous voulez faire des recherches sur la conscience, c’est là-bas que la moitié de l’humanité pratique des techniques, en ce moment-même et ceci, depuis des milliers d’années. Vous n’avez pas besoin d’électroencéphalogramme. Parlez avec eux. Vivez avec eux ».
J’étais alors jeune marié. Notre premier fils était né. Le frère ainé de Natalia, qui est médecin lui aussi et se trouve en Amérique, est né à Kreuzlingen, dans la Clinique de Binswanger. Et il était maintenant question de partir en voyage. Nous devions y aller.
Nous avons alors décidé de partir pour l’Inde. Au départ, nous avions projeté de faire un voyage de six mois, qui semblait suffisant, mais ce voyage dura deux ans. Je n’y suis pas resté plus longtemps parce que ma femme s’est trouvée de nouveau enceinte alors que nous étions en Inde. Une enfant adorable était en route et sa vie courait un risque dans ce lointain pays. Je ne pouvais pas prolonger notre séjour. Ma femme est rentrée en France chez ses parents, et c’est à Lille que cette enfant est née. Elle s’appelle Natalia.
Ce séjour en Inde fut fascinant : aller sur place et voir. C’est l’attitude-même du collectionneur qui découvre un monde nouveau. Je collectionnais des idées sur la conscience et en effet, l’Inde fourmille d’idées.
C’est la raison pour laquelle le livre que j’ai publié en Inde, est le résultat de l’effort fait au cours de mes nombreux voyages à travers toute l’Inde qui me permirent de découvrir les différentes sortes de yoga.
À la fin de mon séjour, j’ai publié mon livre « L’Inde des Yogis ». Je publie actuellement quelques articles en rapport avec les Tibétains, car je les ai aussi rencontrés. J’ai également connu les Japonais, dont les méthodes sont différentes.
A mon arrivé en Inde, je fus en premier attiré par tout ce qui est rocambolesque et folklorique et déjà connu. Mais le but de mon voyage n’était pas le « folklore ». J’ai pu aller directement à mon objectif, grâce aux médecins. J’ai contacté le professeur de la chaire de psychiatrie de Delhi, le Dr. Austin qui était, curieusement, un grand enthousiaste de la phénoménologie ; c’était un psychiatre hindou. Il m’a orienté en me prévenant :
– « Attention, vous allez trouver ici tous les yogis que vous voulez. Ils vous proposeront de vous vendre du yoga en tout genre, mais la majorité d’entre eux ne sont pas de vrais yogis ; ce sont des gens qui cherchent à tromper les touristes. Les véritables yogis ne vont pas vous recevoir si vous vous présentez en tant que psychiatre ; ils vont vous demander ce que vous venez faire ici. Imaginez un instant que moi, en ma qualité de psychiatre indien, je vais en occident, je me rends dans un monastère bénédictin, et je demande aux moines l’autorisation d’y faire une étude sur leur esprit en leur disant que je vais écrire un livre en Inde sur eux ; ils vous claqueront la porte au nez ; ils ne vont pas vous prendre au sérieux. Par contre, ils vous écouteront si vous êtes recommandé par des médecins Indiens. Et il en fut ainsi.
Au bout de deux ans, j’ai publié mes livres « India of Yogis » et « Letters of Silence » (les lettres du Silence). Mon séjour prenait fin et ma femme avait rejoint sa famille dans le nord de la France pour mettre Natalia au monde ; tenant compte des conditions de vie en Inde, je préférais qu’elle naisse en France. J’envisageais mon retour en Europe, mais je devais rester jusqu’à la publication de mes livres. Je tenais à ce qu’ils soient publiés en Inde parce qu’il s’agissait de dialogues avec les Maîtres de la plupart des différentes catégories de yoga. Je voulais que les grands Maîtres puissent lire ces dialogues dans leur langue.
Pour ce faire, j’ai contacté les médecins Indiens, non seulement les psychiatres, mais aussi les médecins qui utilisaient le yoga comme thérapie. Cela m’intéressait beaucoup de voir comment ils l’appliquaient à des maladies respiratoires… Il y avait des centres pour les cures d’asthme, à Lonavla, près de Poona, à Bombay. Tout ceci était nouveau pour moi et il était fascinant de constater que ces médecins hindous avaient choisi le yoga comme thérapie, alors que pour eux le yoga est sacré (il représente le chemin vers la divinité). J’ai aimé cela et je me suis mis à l’étudier.
Le Dalaï-lama m’a présenté son médecin à Dharamsala, dans l’Himalaya. Je me suis présenté comme étant un psychiatre occidental qui avait créé une technique, une méthode, pour fonder une science médicale de la conscience. Cela leur a plu car la conscience est le thème central de leur vie. Alors ils m’ont ouvert leur porte et m’ont enseigné leurs techniques jusqu’à la limite autorisée, c’est-à-dire sans révéler certains secrets. Ils ont été honnêtes avec moi.
Dans ce contexte, tenant compte du fait que je devais continuer mes recherches qui n’avaient fait que commencer, je n’avais d’autre alternative que de revenir en Europe.
La plupart des personnes dont je parle dans mes livres vivent encore en Himalaya et pratiquent toujours ces techniques; vous pouvez le constater par vous-mêmes si vous le souhaitez. Ils sont là-bas, dans l’Himalaya; ils pratiquent des techniques millénaires, dans une profonde concentration, tout en supportant le froid de l’Himalaya. Il est évident que pour eux, cela fait partie de la réincarnation et de la rencontre avec Dieu. C’est une technique mystique.
Par conséquent, je me devais d’étudier les choses à fond. Il s’agit-là d’une hyper conscience, car pour pouvoir atteindre la divinité, les yogis doivent conquérir une conscience supérieure; sans cela, la divinité indienne est cruelle: elle ne voudra pas les accueillir et elle va les obliger à se réincarner. C’est leur croyance. Par conséquent, leur pratique est une pratique à la vie ou à la mort, parce qu’ils veulent rejoindre la divinité et éviter la réincarnation; pour eux, la réincarnation, c’est comme pour nous le purgatoire. Alors, les techniques sont très pures et sont différentes les unes des autres.
Je vous raconte tout cela un peu à titre anecdotique. Mais la question était pour moi la suivante : Que se cache-t-il derrière le yoga ? Quelle est l’essence du yoga ? Pourquoi ces changements dans certaines techniques, pourquoi certaines percussions ? Le yoga commençait à se révéler à moi comme une conquête du corps, une conquête obsessive du corps.
Je suis persuadé qu’il n’existe aucune fonction corporelle, physiologique, ou psychique, qui n’ait été utilisée par une des différentes catégories de yoga. Toutes ces catégories sont différentes ; il en est de même en ce qui concerne la façon de pratiquer le yoga. Il s’agissait de percuter le corps…J’étais sidéré car moi, j’étais issu d’une pensée phénoménologique en accord avec les enseignements du maître Juan José López Ibor: le discours, l’explication, les valeurs de l’intuition, Max Scheller, tous les grands phénoménologues. On achète des livres, on les lit et on ne les comprend pas.
Mais là, c’est différent ; là, il s’agit de la technique; mais en quoi consiste-t-elle ?
Je vais donc commenter pour vous les principales techniques qui m’ont donné la piste pour les méthodes que vous pratiquez. Je suis issu d’une conscience phénoménologique spéculative occidentale. J’ai lu beaucoup de livres de Husserl. Mon Maître Binswanger m’a initié à l’art de l’épochè avec les malades mentaux, mais je ne possédais aucune technique; le corps n’existait pas; Tout comme en psychanalyse, qui ne parle pas du corps; il n’y avait pas de techniques et il n’y en a toujours pas; il y a peut-être une certaine gymnastique plus ou moins bien faite. Mais cela n’est pas une prise de conscience de la corporalité.
Les Orientaux possédaient le secret de la prise de conscience, à différents niveaux.
Je me suis rendu compte qu’il y avait une technique reine, la plus importante qui est reconnue par tous les yogis ; ils l’appellent le Raja Yoga, le Roi des Yogas. C’est le yoga le plus important car c’est une espèce de fusion de plusieurs yogas, toujours pratiqué sous la direction des Maîtres.
J’ai par conséquent dû me rendre en Hima-laya pour apprendre cette technique; dès que possible, j’ai engagé des relations d’amitié avec les plus grands maîtres des Ashrams qui sont des centres de yoga. J’ai eu la chance de devenir l’ami d’un des plus importants swami, le Swami Chidananda qui m’a ouvert les portes dans toute l’Inde. Il m’a parlé de ces yogis ; il m’a informé du fait qu’il n’existait pas de livre sur ce sujet en Inde. Je croyais qu’il y avait une sorte de dictionnaire, ou un mode d’emploi, avec lequel je pourrais arriver à les contacter ou apprendre leurs techniques, mais il n’y avait rien de tout cela.
C’est peut-être la raison pour laquelle mon livre a eu autant de succès ; en Inde, on le trouve encore dans les librairies. Grâce à mes nombreux voyages, j’ai pu décrire les catégories de groupes, avec des noms, des dialogues, etc.
Ce yoga principal, pourquoi est-ce le plus important ? Pourquoi est-il « le roi des yogas » alors que les autres catégories de yogas ne le sont pas ? Je ne vais pas en parler maintenant car nous sommes pris par le temps.
Le Roi des Yogas possède une série de codes très puissants ; c’est la raison pour laquelle, comme vous le savez, il y eut de graves problèmes politiques en Inde. Le bouddhisme par exemple, a eu une grande importance parmi les hindouistes et le yoga était monopolisé par la religion hindouiste. Mais les bouddhistes n’appartiennent pas à la religion hindouiste ; ils ne vénèrent pas un aussi grand nombre de divinités.
Des changements importants ont alors permis que le bouddhisme, qui est né en Inde, se répande dans tout l’Orient : Il élimine les lois indiennes de tout genre, les divinités indiennes, l’organisation politique indienne, tout est remis en question. Les bouddhistes créent un nouveau système. Tout est détruit, mais la seule chose qu’ils conservent, c’est la technique Dhyana ; cette technique est pratiquée dans le bouddhisme tibétain et dans le bouddhisme en général. Ensuite, au Japon, ils vont créer le Zen Japonais, qui est le yoga des hindous ; et là aussi on retrouve la technique Dhyana.
La technique Dhyanaest la plus importante des techniques et des méthodes orientales en général ; mais, dans la technique Dhyana, il est nécessaire de franchir la porte de l’hyper conscience, d’avoir la clé qui l’ouvre. La porte pour dépasser cette conscience ordinaire et pénétrer dans la conscience mystique, dans la super conscience dont ils ont besoin pour être sauvés et rejoindre leur divinité, est appelée CONTEMPLATION. Sans elle, il n’y a pas de grande catégorie de yoga ou de technique orientale, qu’elle vienne de l’Inde, du Tibet ou du Japon. A mon arrivée au Japon, je rencontrai un autre yoga. Les monastères japonais où l’on pratique le zen étaient différents ; cependant, on y chantait les mêmes Mantras que les hindous, et l’on pratiquait la contemplation qui, au fond, est la base; c’est la clé du processus.
Contempler. Une contemplation spéciale. Il ne s’agit pas d’une contemplation mystique comme celle des occidentaux. Il s’agit d’une contemplation passive, une contemplation de la constatation d’une présence. Le reste de la conscience est réduit ; la personne contemple et évite tout genre d’associations. Ce n’était pas la contemplation mystique de nos saints, teinte d’un aspect affectif. Ils s’orientaient vers une contemplation radicale. Naturellement, je ne pouvais en aucun cas ignorer cela.
Ce qui a également attiré mon attention en Himalaya, c’est l’emploi du son. L’emploi du son comme percussion corporelle ; J’étais sidéré. Mais pourquoi les grands maîtres du yoga utilisaient-ils donc le son ?
Certains pratiquaient physiquement le son, d’autres activaient la perception du son, ce qu’ils appellent le son OMKAR. Ils prenaient le son, système par système, dans les différentes parties du corps, d’une certaine façon ; la manière dont ils percutaient et la façon dont ils percevaient ensuite la stimulation, la récupération de cette stimulation, était impressionnante.
Après avoir stimulé le corps, des millions de mécanismes autorégulateurs se produisent et nous les dédaignons en Occident. Dans le sport, il ne faut pas être fatigué et ne pas faire ceci ou cela. Non, ce n’est pas comme cela : Les orientaux provoquent une certaine fatigue ; puis ils arrêtent et profitent de la pluie de sentiments de récupération, de sensations vitales. C’est ainsi que la vie de l’homme s’équilibre.
Et moi, en ma qualité de neurologue, je ne pouvais pas laisser passer cela.
De tout l’arsenal d’informations que j’ai accumulé, je ne vous parle que des choses les plus importantes, celles que vous pratiquez, en particulier les élèves du Master. A partir du deuxième cycle, nous commençons à utiliser le son, ce que j’appelle le MOI SONORE.
(fin première partie)
POMMERET Annie a écrit
Bonjour,
Tout d’abord,merci pour cet article très intéressant qui m’éclaire sur la méthode crée par le professeur CAICEDO.
Je suis Sophrologue depuis deux ans et je suis souvent gênée quand il faut donner une définition simple de la sophrologie a monsieur et madame tout le monde.
Je pense qu’avec les éléments fournis dans ce témoignage, je vais trouver la solution.
Bien cordialement!
proper business a écrit
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